jeudi 15 mars 2012

Lecture du jour : les enjeux d'un répertoire diocésain (1)


Première partie d'un exposé de M. Serge Kerrien, diacre permanent du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier,  sur "les enjeux d'un répertoire diocésain".

"Lorsque l’on aborde la question du répertoire liturgique, on sent toujours venir les réactions épidermiques à chaud ; on voit les chapelles défendre leur territoire et les enjeux financiers prendre souvent le pas sur les enjeux théologiques ou pastoraux. Je vous propose d’aborder la question en me situant clairement du côté  des enjeux théologiques et pastoraux. Quels enjeux nous faut-il mesurer pour appréhender la question d’un répertoire diocésain ? Je m’arrêterai à 4 enjeux :
-          Un enjeu pour une Eglise particulière.
-          Un enjeu pour la ritualité.
-          Un enjeu catéchétique.
-          Un enjeu pour la vie spirituelle.
Ces 4 enjeux ne sont pas exhaustifs d’autres enjeux que vous pourrez vous-mêmes mesurer, mais ces 4 là me semblent essentiels dans le contexte actuel de l’Eglise de France.

I-                    Un enjeu pour une Eglise particulière.
 
La bataille des clochers est une réalité tant les chrétiens s’identifient à leur clocher. Il y a là quelque chose de fortement identitaire et de très réducteur. Penser « Eglise diocésaine » est loin d’être acquis, tant, pour beaucoup encore, le diocèse est confondu avec l’administration diocésaine. Et j’entends souvent me dire : « Vous, au diocèse », comme si les chrétiens de telle paroisse n’en étaient pas.
Chacun d’entre nous sait bien combien un répertoire participe à la construction d’une identité familiale, sportive, nationale, ecclésiale. Chanter ensemble les mêmes mots dit l’appartenance à un même corps social et la construit.  L’Eglise-société n’échappe pas à ce phénomène. De ce fait, promouvoir un répertoire diocésain c’est aider à la prise de conscience de ce qu’est cette Eglise particulière, constituée autour de son évêque. C’est aider les communautés chrétiennes à s’ouvrir à plus large que le simple horizon de leur clocher. C’est éviter que des communautés paroissiales ou d’autre type ne s’enferment dans un répertoire tellement typé qu’il les emprisonne dans une forme d’auto-suffisance célébratoire qui, à la longue, se révèle mortifère. Pour vivre, une communauté chrétienne a besoin d’une relation forte à l’évêque et à l’Eglise diocésaine. Le chant peut en être un puissant moyen.
Un second aspect de cet enjeu tient à la célébration autour de l’évêque. Le Concile Vatican II écrit dans Lumen Gentium au n° 20  « Parmi les différents ministères qui s’exercent dans l’Eglise depuis les premiers temps, la première place, au témoignage de la Tradition, appartient à la fonction de ceux qui, établis dans l’épiscopat… » Et la voix de la Tradition est celle de Saint Ignace d’Antioche dans sa lettre aux Smyrniotes : « Là où paraît l’évêque, que là aussi soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Eglise catholique ». Situer, aujourd’hui, dans le contexte pastoral de beaucoup de nos diocèses, la vie liturgique et sacramentelle par rapport à l’évêque est essentielle. Donc, il convient de penser la célébration autour de l’évêque, non pas comme plus solennelle, mais comme normative. La question du répertoire diocésain doit être abordée sous cet angle : lorsqu’une Eglise diocésaine célèbre autour de l’évêque, les différents participants, d’où qu’ils viennent, doivent pouvoir chanter d’une seule voix. Cette voix commune est alors épiphanie de l’Eglise ; elle construit l’Eglise ; elle manifeste l’Eglise  comme mystère de communion ; elle évite que la liturgie ne devienne la propriété de tel ou tel courant ou ne soit réduite à une animation de groupe. Le chant dans ce cas, au lieu d’établir une forme de concurrence entre les lieux, les communautés, les différents acteurs, se met au service du seul ministère, celui du Christ, même si cet unique ministère prend des formes variées. Le répertoire choisi et chanté lorsque l’évêque préside participe largement à la construction de l’Eglise, Corps du Christ.

II-                  Un enjeu pour la ritualité

Je ne vais pas vous parler de l’importance de la ritualité et des rites dans la liturgie. Vous connaissez tous par cœur l’exigence de « connexion étroite » entre le chant et le rite que demande le texte du Concile au n° 112 de S.C. Je voudrais vous rappeler ceci : les rites liturgiques sont chargés de nous faire réaliser le passage dans le passage du Christ ressuscité. La liturgie est bien l’organisation concrète de ce passage des choses visibles aux choses invisibles. La mission première du chant liturgique est là. Il est le véhicule privilégié de cet itinéraire que propose l’Eglise. Il est chemin pour la foi, chemin sonore qui fait passer le croyant du visible à l’invisible, de l’obscur au lumineux, de l’humain au divin. Le chant liturgique doit être le compagnon de ce chemin balisé par les rites et le rythme de l’année liturgique. Nos rites n’ont que sens que s’ils sont des passeurs vers Dieu.
Dès lors, on voit bien que la question qui se pose dans le choix et la proposition d’un répertoire diocésain est la suivante : quel répertoire vais-je proposer pour que les communautés chrétienne fassent l’expérience pascale et se structurent d’année en année en approfondissant, par le chant, l’histoire du salut ? Cela exige de toujours mettre en perspective le choix des chants, le rite qu’ils accompagneraient au mieux, le mystère du salut qu’ils expriment. Dans ce choix, c’est la structuration même de l’identité chrétienne (c’est le but du rite) qui est en jeu. C’est de la responsabilité d’une pastorale diocésaine d’aider les communautés chrétiennes à la mettre en œuvre. Choisir des rites à redécouvrir ou à mieux déployer en s’appuyant sur le répertoire proposé est éducateur de la liturgie. C’est particulièrement vrai pour des rites dont le sens s’est perdu (par exemple la procession des dons) ou pour ceux que l’on bâcle pour ne pas en avoir mesuré l’enjeu (par exemple la fraction du pain).

La suite demain...

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