Première partie d'un exposé de M. Serge Kerrien, diacre permanent du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, sur "les enjeux d'un répertoire diocésain".
"Lorsque l’on
aborde la question du répertoire liturgique, on sent toujours venir les
réactions épidermiques à chaud ; on voit les chapelles défendre leur
territoire et les enjeux financiers prendre souvent le pas sur les enjeux
théologiques ou pastoraux. Je vous propose d’aborder la question en me situant
clairement du côté des enjeux
théologiques et pastoraux. Quels enjeux nous faut-il mesurer pour appréhender
la question d’un répertoire diocésain ? Je m’arrêterai à 4 enjeux :
-
Un
enjeu pour une Eglise particulière.
-
Un
enjeu pour la ritualité.
-
Un
enjeu catéchétique.
-
Un
enjeu pour la vie spirituelle.
Ces 4 enjeux
ne sont pas exhaustifs d’autres enjeux que vous pourrez vous-mêmes mesurer,
mais ces 4 là me semblent essentiels dans le contexte actuel de l’Eglise de
France.
I-
Un enjeu pour une Eglise
particulière.
La bataille
des clochers est une réalité tant les chrétiens s’identifient à leur clocher.
Il y a là quelque chose de fortement identitaire et de très réducteur. Penser
« Eglise diocésaine » est loin d’être acquis, tant, pour beaucoup
encore, le diocèse est confondu avec l’administration diocésaine. Et j’entends
souvent me dire : « Vous, au diocèse », comme si les chrétiens
de telle paroisse n’en étaient pas.
Chacun
d’entre nous sait bien combien un répertoire participe à la construction d’une
identité familiale, sportive, nationale, ecclésiale. Chanter ensemble les mêmes
mots dit l’appartenance à un même corps social et la construit. L’Eglise-société n’échappe pas à ce
phénomène. De ce fait, promouvoir un répertoire diocésain c’est aider à la
prise de conscience de ce qu’est cette Eglise particulière, constituée autour
de son évêque. C’est aider les communautés chrétiennes à s’ouvrir à plus large
que le simple horizon de leur clocher. C’est éviter que des communautés
paroissiales ou d’autre type ne s’enferment dans un répertoire tellement typé
qu’il les emprisonne dans une forme d’auto-suffisance célébratoire qui, à la
longue, se révèle mortifère. Pour vivre, une communauté chrétienne a besoin
d’une relation forte à l’évêque et à l’Eglise diocésaine. Le chant peut en être
un puissant moyen.
Un second
aspect de cet enjeu tient à la célébration autour de l’évêque. Le Concile
Vatican II écrit dans Lumen Gentium au n° 20
« Parmi les différents ministères qui s’exercent dans l’Eglise
depuis les premiers temps, la première place, au témoignage de la Tradition,
appartient à la fonction de ceux qui, établis dans l’épiscopat… » Et la
voix de la Tradition est celle de Saint Ignace d’Antioche dans sa lettre aux
Smyrniotes : « Là où paraît l’évêque, que là aussi soit la
communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Eglise
catholique ». Situer, aujourd’hui, dans le contexte pastoral de beaucoup
de nos diocèses, la vie liturgique et sacramentelle par rapport à l’évêque est
essentielle. Donc, il convient de penser la célébration autour de l’évêque, non
pas comme plus solennelle, mais comme normative. La question du répertoire
diocésain doit être abordée sous cet angle : lorsqu’une Eglise diocésaine
célèbre autour de l’évêque, les différents participants, d’où qu’ils viennent,
doivent pouvoir chanter d’une seule voix. Cette voix commune est alors
épiphanie de l’Eglise ; elle construit l’Eglise ; elle manifeste
l’Eglise comme mystère de
communion ; elle évite que la liturgie ne devienne la propriété de tel ou
tel courant ou ne soit réduite à une animation de groupe. Le chant dans ce cas,
au lieu d’établir une forme de concurrence entre les lieux, les communautés, les
différents acteurs, se met au service du seul ministère, celui du Christ, même
si cet unique ministère prend des formes variées. Le répertoire choisi et
chanté lorsque l’évêque préside participe largement à la construction de
l’Eglise, Corps du Christ.
II-
Un enjeu pour la ritualité
Je ne vais
pas vous parler de l’importance de la ritualité et des rites dans la liturgie.
Vous connaissez tous par cœur l’exigence de « connexion étroite »
entre le chant et le rite que demande le texte du Concile au n° 112 de S.C. Je voudrais
vous rappeler ceci : les rites liturgiques sont chargés de nous faire
réaliser le passage dans le passage du Christ ressuscité. La liturgie est bien
l’organisation concrète de ce passage des choses visibles aux choses
invisibles. La mission première du chant liturgique est là. Il est le véhicule
privilégié de cet itinéraire que propose l’Eglise. Il est chemin pour la foi,
chemin sonore qui fait passer le croyant du visible à l’invisible, de l’obscur
au lumineux, de l’humain au divin. Le chant liturgique doit être le compagnon
de ce chemin balisé par les rites et le rythme de l’année liturgique. Nos rites
n’ont que sens que s’ils sont des passeurs vers Dieu.
Dès lors, on
voit bien que la question qui se pose dans le choix et la proposition d’un répertoire
diocésain est la suivante : quel répertoire vais-je proposer pour que les
communautés chrétienne fassent l’expérience pascale et se structurent d’année
en année en approfondissant, par le chant, l’histoire du salut ? Cela
exige de toujours mettre en perspective le choix des chants, le rite qu’ils
accompagneraient au mieux, le mystère du salut qu’ils expriment. Dans ce choix,
c’est la structuration même de l’identité chrétienne (c’est le but du rite) qui
est en jeu. C’est de la responsabilité d’une pastorale diocésaine d’aider les
communautés chrétiennes à la mettre en œuvre. Choisir des rites à redécouvrir
ou à mieux déployer en s’appuyant sur le répertoire proposé est éducateur de la
liturgie. C’est particulièrement vrai pour des rites dont le sens s’est perdu
(par exemple la procession des dons) ou pour ceux que l’on bâcle pour ne pas en
avoir mesuré l’enjeu (par exemple la fraction du pain).
La suite demain...
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