mardi 13 mars 2012

Lecture du jour : le chant grégorien, un chant d'avenir ? (1)


Premier extrait d'un texte publié sur le site http://www.ceremoniaire.net/ par A. P., musicien, organiste, ancien responsable musical à S.Germain l'Auxerrois. Janvier 1999

Introduction
À propos du chant grégorien, il n'est pas rare qu'on entende dire qu'il s'agit d'une musique écrite par le pape Saint Grégoire pour les moines, et qui a été chantée dans l'église jusqu'au Concile Vatican II. Ce dernier aurait alors demandé qu'on l'abandonnât au profit du seul chant en langue française.
Il ne resterait donc aujourd'hui pour s'intéresser au répertoire grégorien que quelques « nostalgiques », quelques moines et aussi quelques musicologues (sans oublier, bien sûr, les firmes de disques dans la mouvance New-Age...).
Or ces affirmations sont loin d'être exactes et ne rendent pas bien compte de la réalité. Il convient donc de les examiner successivement :


   1)
Tout d'abord, il faut rappeler que le chant grégorien n'est pas l'oeuvre de Saint Grégoire. Ce pape travailla à la restauration des livres liturgiques et eut effectivement à travailler au chant qui accompagnait les rites liturgiques à son époque. Cependant il mourut en l'an 604, soit près de deux siècles avant la naissance du chant grégorien.
En réalité - sauf quelques rares exceptions - on ignore les noms de ceux qui participèrent à l'élaboration du répertoire grégorien : les compositeurs sont demeurés anonymes.
2)
Le chant grégorien n'a jamais été composé pour des moines mais pour des chantres de cathédrale - qui en furent également les auteurs. Ces derniers étaient à leur époque les plus grands spécialistes de l'art musical et ils mettaient leurs compétences aussi bien artistiques que pédagogiques au service de l'école de chant constituée autour des principaux édifices cultuels (la Schola Cantorum).
3)
Le chant grégorien n'a pas été chanté sans interruption jusqu'au moment du Concile Vatican II : si certaines mélodies grégoriennes ont traversé les âges, c'est pour servir de matière première à un style musical (en général polyphonique) qui s'est rapidement éloigné de l'esprit originel de cette musique. Le chant grégorien a ainsi été intégré thématiquement à l'intérieur de langages musicaux ayant leur propre identité, mais il a perdu la sienne. On trouve encore de nombreux exemples d'intégration de thèmes grégoriens durant le XXe siècle, dans certaines oeuvres de Maurice Duruflé, Olivier Messiaen, etc.
En fait, dès le XIIe siècle, la décadence du chant grégorien comme art monodique autonome est en marche.
4)
Le Concile Vatican II n'a jamais demandé l'arrêt de l'utilisation du chant grégorien dans la liturgie romaine. Le texte de la Constitution sur la Liturgie dit au contraire : « L'Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c'est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d'ailleurs, doit occuper la première place ». (cf. art. 116).
5)
Enfin, il ne reste pas que quelques nostalgiques et quelques partisans du nirvana sur fond de musique « d'un autre âge » pour s'intéresser à ce répertoire d'une valeur inestimable. En effet, pour peu que l'on veuille bien s'éloigner des idées reçues, on peut y découvrir des trésors d'une grande valeur pour notre XXe siècle finissant.
C'est munis de ces quelques précisions qu'il s'agit à présent de considérer ce que peut représenter aujourd'hui le chant grégorien tant aux yeux des musiciens - qu'ils soient croyants ou non - qu'aux yeux des fidèles catholiques.

(La suite demain...)

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