Nous vous proposons de relire chaque jour de très beaux textes qui peuvent nourrir notre réflexion et notre débat.
Extrait du DISCOURS DU PAPE
BENOÎT XVI
Collège des Bernardins, Paris
Vendredi 12 septembre 2008
Vendredi 12 septembre 2008
"Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des
moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine – en
présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici
exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de
toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et
chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés
comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir
de là, on peut comprendre la sévérité d’une méditation de saint Bernard de
Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise
par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux,
n’était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d’un chant mal
exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la ‘région
de la dissimilitude’. Saint Augustin avait tiré cette expression de la
philosophie platonicienne pour caractériser l’état de son âme avant sa
conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l’homme qui est créé à l’image
de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la ‘région de la
dissimilitude’, dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il
devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable
nature d’homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à
cette expression, qui indique la chute de l’homme loin de lui-même, pour
qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il
prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une
culture de l’être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent
correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence
capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu’Il a Lui-même
donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une
« créativité » personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la
représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait
plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois
constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de
la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une
musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l’homme
et qui proclame hautement cette dignité."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire