SOMMAIRE
Sylvain Dieudonné, Le chant grégorien dans la liturgie. Histoire et actualité
Pierre Gueydier, Emotion, « médiaculture » et musique liturgique
Jean-Michel Dieuaide, Répertoire(s) des assemblées chantantes
Philippe Robert, Chant, mémoire et transmission
Jean-Yves Hameline, La notion de « répertoire »
François Kaboré, Quelle musique pour la liturgie ? L’expérience du Burkina Faso
Chant, répertoire, mémoire
Si chant et musique font partie des actions
liturgiques depuis des siècles, la conjoncture dans laquelle ils se
présentent aujourd’hui paraît tout à fait particulière. Durant le
deuxième millénaire, ils étaient consignés dans les livres liturgiques ;
ces deniers ne comportent plus aujourd’hui que le texte des prières et
de certaines antiennes. La partie musicale jouit donc d’une grande
liberté, avec l’avantage que cela représente du point de vue de
l’inculturation, mais aussi les questions nouvelles que cela pose
inévitablement.
On assiste en effet depuis cinquante ans, en
francophonie du moins, à l’éclosion d’un répertoire extrêmement vaste de
textes et de musiques de tous genres, à l’intérieur duquel il faut
nécessairement opérer un tri. Mais selon quel critère ? C’est à cet
ensemble de questions que ce cahier entend non pas apporter une réponse
définitive, mais au moins proposer quelques éléments de réflexion.
Sylvain Dieudonné commence par retracer rapidement
l’histoire de ce que l’on qualifie d’un terme unique, le chant
grégorien ; il montre que ce terme recouvre un répertoire vivant, qui a
connu bien des évolutions. Il souligne avec force la fonction liturgique
de ce chant.
Pierre Gueydier décrit ensuite « deux agents exogènes »
qui posent aujourd’hui nouvellement la question de l’émotion provoquée
par la musique, question qui troublait déjà saint Augustin, mais dont
les considérants sont aujourd’hui nouveaux. En effet, les productions de
la « culture de masse », mais plus encore les Réveils religieux
d’origine nord-américaine, exercent une influence considérable sur la
sociabilité religieuse et les attentes des populations, surtout jeunes.
L’auteur a le courage d’affronter lucidement cette question si
importante pour les assemblées liturgiques d’aujourd’hui ; selon lui, il
revient à la dimension rituelle de la liturgie d’encadrer ces processus
et de les intégrer dans le nous ecclésial.
Jean-Michel Dieuaide apporte à cette question sa
compétence de musicien. Il développe un vigoureux plaidoyer en faveur
d’un répertoire qui tienne compte de la spécificité des actions
liturgiques et qui aide à sédimenter la mémoire des assemblées
chrétiennes ; ce sont là « des repères fixes et libérateurs » à la fois.
Philippe Robert éclaire ces questions par un autre
biais, celui de la mémoire. S’appuyant sur l’influence si puissante des
chansons enfantines, il pose lui aussi, mais par une autre entrée, la
question du répertoire des chants destinés à introduire dans le mystère
de la foi.
Jean-Yves Hameline peut alors proposer sa vision
« processuelle » du répertoire. Il définit strictement la notion par
trois traits : une différenciation des chants selon leur individualité
musicale, une distribution dans des séquences et des calendriers, enfin
un mode de réalisation.
Cet ensemble est complété par une contribution
africaine. L’auteur montre l’évolution progressive du chant liturgique
au Burkina Faso, depuis l’adaptation de chants latins ou français dans
les langues du pays jusqu’à des créations nées du génie des populations
locales et de leur art musical traditionnel.
Espérons que ces divers éclairages fassent avancer la
réflexion sur la nature et la réalisation du chant liturgique : il le
mérite bien !
Paul De Clerck,